Évaluation de l’Éducation Thérapeutique du Patient dans les maladies rares : résultats et recommandations

Caroline ARTU-DUMONT – Publié le 1er mars 2024

Depuis la parution du 3ème plan national maladies rares (PNMR 3) la direction générale de l’offre de soins (DGOS) promeut l’émancipation de la pratique de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) dans les maladies rares.

Deux vagues d’appels à projet, en 2019 et 2020, ont permis d’amplifier la réalisation et l’actualisation de programmes d’ETP ainsi que le déploiement de programmes d’ETP déjà validés par une ARS dans les régions où ils n’existent pas.

Afin d’étendre la diffusion des programmes d’ETP à l’échelle nationale l’accent est mis sur l‘intégration de modules en ligne pour faire de la e-ETP.

Dans ce contexte, la DGOS a saisi les filières de santé maladies rares (FSMR) FAI²R, FIMATHO et MHEMO afin d’évaluer le bénéfice de l’éducation thérapeutique (ETP) pour les patients porteurs de maladies rares avec un focus particulier sur l’e-ETP et les programmes d’ETP destinés aux aidants. L’objectif est de fournir des éléments d’aide à la décision aux instances et de faire évoluer le cadre réglementaire propre aux programmes d’ETP dans les maladies rares.

Résultats

Cartographie des programmes d’ETP

217 programmes d’ETP ont été inclus dans l’étude et 137 porteurs ont complété le questionnaire en ligne dont 47% comptent au moins un atelier en e-ETP.

Une quarantaine de profils professionnels différents sont impliqués dans la conception des programmes d’ETP. Dans 69% des cas, des patients et des aidants participent à l’élaboration des programmes. Parmi eux, 73% sont membres d’une association de patients ou le font au nom d’une l’association de patients.

14 programmes sont déclarés comme exclusivement à distance sous la forme de séances à distance ou d’autoformation en e-learning ou en MOOC (Massive Open Online Course).

Volet patients/aidants ayant bénéficié d’ETP

Enquête qualitative :

23 entretiens individuels semi-directifs par téléphone ont été réalisés dans le cadre de l’enquête qualitative. Lors de ces entretiens d’une durée moyenne de 53 minutes, les patients et un aidant concerné par l’hémophilie ont pu donner leurs avis sur les programmes d’ETP et suggérer des pistes d’amélioration.

Suggestions d’amélioration :

Enquête quantitative :

222 patients ont répondu au questionnaire auto administré dont 7 concernés par une maladie hémorragique rare. 97% d’entre eux ont bénéficié d’un ou de plusieurs ateliers/séances d’ETP et 13% se déclarent en tant que patient expert/ressource /partenaire.

64 aidants ont également répondu au questionnaire dont 7 concernés par une maladie hémorragique rare.

Les modalités de suivi des séances d’ETP par les bénéficiaires ont été reportées dans les proportions suivantes :

  • 70 % présentiel, 10% distanciel, 20%Hybride. 
  • 70% intra hospitalier, 7% extra hospitalier (centre de vacances, réseau ville-hôpital, CMP, pharmacie, théâtre, atelier cuisine, weekend dans une ville, cabinet de psychologie, cure thermale, maison associative de santé), 13% en visioconférence.
  • 80% collectif 20% individuel.

Les attentes prioritaires des patients et des aidants :

Les attentes des patients/aidants vis-à-vis des professionnels de santé : 

Avis des bénéficiaires vis – à vis des modalités présentielles et à distance des séances d’ETP :

Les difficultés rencontrées dans le cadre de l’ETP par les patients / aidants, classées par ordre de fréquence :

  • Aucune difficulté (38% / 40%),
  • Les contraintes géographiques pour se rendre aux ateliers/séances d’ETP (37% / 38%),
  • Les contraintes horaires pour participer aux ateliers/séances d’ETP (25% / 23%),
  • Les difficultés financières liées à la participation aux ateliers/séances d’ETP (congé, transport, hébergement…) (17% / 8%),
  • Le manque de disponibilité́ pour participer aux ateliers/séances d’ETP (13% / 13%),
  • Le manque d’informations sur les séances/ateliers d’ETP pour les maladies rares (14% / 8%).

D’après les patients et les aidants l’ETP a des effets positifs pour eux et notamment grâce à l’ETP, le patient a une meilleure compréhension de la maladie et de la gestion de ses symptômes, lui permettant de porter ainsi un autre regard sur celle-ci. Il est plus autonome dans la gestion de la maladie, dans la mise en place de nouvelles habitudes de vie et de mesures de prévention. Il en parle également plus facilement avec les gens qui l’entourent. Il ressent une amélioration de sa qualité́ de vie et se projette dans l’avenir (nouveau projet de vie).

Néanmoins 10% des patients déclarent que les ateliers n’ont pas répondu à leurs attentes ou qu’ils sont inutiles ou n’ont pas renforcé leurs compétences.

De leur côté les aidants déclarent que l’ETP permet de mieux comprendre et gérer les symptômes de la maladie et la maladie elle-même et d’avoir une plus grande confiance en leurs ressources et leurs capacités propres. L’ETP leur a permis de mettre en place de nouvelles habitudes de vie et des mesures de prévention. Ils parlent eux aussi plus facilement de la maladie avec les gens qui les entourent et ressentent une amélioration de leur qualité́ de vie. Enfin grâce à l’ETP ils portent un autre regard sur la maladie.

Les résultats de l’enquête montrent également que L’ETP réduit l’impact de la maladie sur la vie quotidienne des patients, qu’elle améliore leur moral, augmente leur estime d’eux-mêmes et rompt l’isolement social pour certains d’entre eux.

La plupart des aidants ne se sentent pas concernés par la question de l’impact de l’ETP sur leur vie.

Les participants au sondage ont rapporté que l’ETP à un impact positif sur la relation entre les patients et les soignants car elle permet une meilleure communication avec les soignants, une meilleure coordination des soins et renforce la relation de confiance.

Enfin les participants ont émis des pistes d’amélioration pour la pratique de l’ETP dans les maladies rares :

  • Proposer des séances avec des intervenants en thérapies non conventionnelles (méditation pleine conscience, APA, art-thérapie…).
  • Impliquer d’autres partenaires du soin (ex : patient, associations, aidant).
  • Proposer des séances/ateliers à distance pour les personnes qui ne peuvent pas se déplacer.
  • Proposer des ateliers/séances en fonction des niveaux de compréhension de la maladie.
  • Actualiser le contenu des séances.
  • Sensibiliser les professionnels de première ligne dont les médecins généralistes.
  • Former un plus grand nombre de professionnels de santé a l’ETP dans les maladies rares.
  • Mettre en place des campagnes d’information pour mieux informer les patients et les professionnels de santé de l’existence d’ateliers/séances d’ETP dans les maladies rares.
  • Prise en charge (par l’assurance maladie) des frais engagés par le patient / les aidants pour participer à un programme d’ETP (transport, journée de disponibilité…).

Volet intervenants

Enquête qualitative :

L’enquête qualitative pour le volet intervenant a été menée lors d’un focus group qui a eu lieu en visioconférence le 17 janvier 2023 et qui a rassemblé 9 participants.

Les participants au focus group ont des profils variés et les professions représentées sont :  infirmière, pharmacienne, psychologue, chargée de mission, biologiste et pédiatre. Six filières de santé maladies rares sont représentées (AnDDi-Rares, Cardiogen, FAVA-MULTI, MHEMO, ORKiD, OSCAR) sur les 23 existantes. Les participants interviennent dans les villes Bordeaux, Créteil, Lille, Lyon, Marseille Nantes, Strasbourg et Toulouse.

Suggestions d’améliorations :

Enquête quantitative :

Pour la partie quantitative, 216 intervenants en ETP ont répondus au questionnaire auto-administré.

5% d’entre eux sont non formés à l’ETP, 89% formés au 1er niveau de 40h pour dispenser l’ETP, 31% formés à la coordination de programme d’ETP et 13% ont validé un DU ou MASTER en ETP.

Parmi les répondants, 37% étaient médecin, 21% infirmière 8% patients/parents ressource, 6,5% psychologue, 4% puéricultrice, 3% kinésithérapeute et 3% diététicien.

Toutes les filières de santé maladies rares sont représentées, avec notamment 29 intervenants appartenant à la filière MHEMO.

Les difficultés rapportées par les participants à l’enquête dans la pratique de l’ETP dans les maladies rares sont par ordre décroissant :

  • Manque de temps des professionnels de santé pour se consacrer à l’ETP (charge de travail dédiée à l’ETP mal évaluée et peu valorisée par la hiérarchie).
  • L’éloignement géographique entre les patients et les lieux dispensant l’ETP.
  • La méconnaissance de l’offre d’ETP.
  • Le financement.
  • Le manque de professionnels dédiés à l’ETP.
  • Les difficultés à la transversalité.
  • Le manque d’adhésion des patients pour participer à l’ETP.
  • Les contraintes réglementaires
  • Le manque de ressources éducatives adaptées à la maladie rare.
  • Le manque de formation des professionnels de santé́ en matière d’ETP pour les maladies rares.

Les solutions qui ont été alors suggérées pour répondre aux défis spécifiques de la pratique de l’ETP dans les maladies rares sont les suivantes :

  • Collaborer avec d’autres professionnels de santé (85%).
  • Utiliser des outils éducatifs spécifiques à la maladie rare (59%).
  • Impliquer les patients et leur famille dans la planification de l’ETP (55%).
  • Offrir des services d’accompagnement (psychologique, diététique…) pour les patients (51%).
  • Impliquer les associations dans la planification de l’ETP (47%).
  • Proposer une éducation thérapeutique hors programme (30%).

Le point de vue des intervenants en ETP sur la e-ETP a également été sondé.

Le constat étant que :

  • 52 % des intervenants préfèrent nettement l’ETP en présentiel.
  • 41% proposent une offre en e-ETP.
  • 32% affirment que l’e-ETP n’est pas réalisable à ce jour dans leur pratique et celle de leur équipe (moyens humains, moyens techniques et compétences techniques).
  • 11% des intervenants privilégient l’e-ETP dès que possible.
  • 11% se sentent obligés de faire de l’e-ETP.
  • 6% signalent que l’e-ETP n’est pas réalisable auprès de leur public.

En conclusion, dans le cadre d’un processus de décision collégial, le groupe de travail a formulé 12 recommandations, identifiées comme essentielles pour façonner l’avenir de l’ETP dans les maladies rares. Ces recommandations sont présentées avec la volonté de ne pas les hiérarchiser les unes par rapport aux autres et de les regrouper en 4 grandes thématiques.

Recommandations du groupe de travail sur l’ETP dans les maladies rares :