La maladie de Willebrand

Qu’est-ce que la Maladie de Willebrand (MWD) ?+

La maladie de Willebrand (MWD) est une maladie hémorragique héréditaire due à un défaut génétique de la concentration, structure ou fonction du Facteur Willebrand (VWF), une protéine impliquée dans les mécanismes d’hémostase primaire et de la coagulation. Il existe deux grands groupes de déficit en VWF : quantitatif, partiel (type 1) ou complet (type 3) et qualitatif (type 2) regroupant plusieurs types (2A, 2B, 2M, 2N). C’est une maladie très variable dans son expression clinique et biologique.

 

Qu’est-ce que le Facteur Willebrand ? Comment agit-il ?+

Le Facteur Willebrand (VWF) est une glycoprotéine de très grande taille constituée par la juxtaposition répétitive d’une sous unité identique (250 kD) qui s’assemble en dimères puis en multimères de poids moléculaire croissant (jusque 15-20 MkD). Cette structure hautement polymérisée, revêtant une conformation fibrillaire lorsque le VWF est exposé à des forces de cisaillement élevées (comme dans la micro circulation), lui permet d’assurer la liaison des plaquettes aux composants du sous endothélium exposés après brèche vasculaire. Plus la masse moléculaire du VWF est élevée, meilleure sera l’adhésion des plaquettes au vaisseau. Le processus de multimérisation est toutefois régulé par une protéase : l’ADAMTS13 qui empêche la formation de formes ultra lourdes qui pourraient conduire à l’inverse à une augmentation du risque thrombotique. Le VWF participe également à l’agrégation des plaquettes les unes aux autres.

Le VWF est synthétisé par les cellules des parois des vaisseaux (cellules endothéliales) et par les précurseurs des plaquettes (mégacaryocytes). Il est ensuite soit directement excrété vers le milieu plasmatique ou stocké dans des organites de réserve : corpuscules de Weibel Palade dans la cellule endothéliale ou granules a-plaquettaires d’où il peut secondairement être libéré. Lors de la synthèse du VWF, la sous unité mature se détache d’un fragment appelé propeptide qui est également présent dans la circulation plasmatique et dont la demi vie est beaucoup plus courte que celle du VWF. Dans le plasma, le VWF circule complexé au Facteur VIII (FVIII), le Facteur anti hémophilique A, qu’il protège d’une trop rapide dégradation protéolytique. A ce titre le VWF intervient donc aussi dans le processus de la coagulation plasmatique.

Différents domaines fonctionnels ont été identifiés sur la sous unité du VWF  dont les anomalies peuvent expliquer plusieurs des variants qualitatifs de la MWD:

  • Un domaine d’interaction avec la glycoprotéine Ib-IX (GP Ib-IX) plaquettaire (rôle dans l’adhésion) : des anomalies de conformation de ce domaine peuvent résulter en une diminution (type 2M) ou une augmentation (type 2B) de l’affinité du VWF aux plaquettes
  • Des domaines d’interaction avec le collagène (altérés dans certains types 2M)
  • Un domaine d’interaction avec la protéase ADAMTS13 (sensibilité à l’ADAMTS 13 augmentée dans certains types 2A)
  • Un domaine d’interaction avec la glycoprotéine IIb-IIIa (GP IIb-IIIa) plaquettaire (rôle dans l’agrégation plaquettaire)
  • Un domaine d’interaction avec le FVIII (altéré dans le type 2N)

D’autres anomalies de structure touchent des domaines engagés dans le processus de multimérisation ce qui va entrainer une modification de la composition multimérique du VWF avec une diminution des multimères de haut poids moléculaire (type 2A, type 2B).

Le VWF est une protéine de l’inflammation, son taux augmente avec l’infection, le stress, la période postopératoire, la grossesse. Il varie en fonction du groupe sanguin : les sujets de groupe O ont ainsi des taux de VWF de 20-30% plus bas que les sujets des autres groupes ce qui est lié à une épuration plus rapide du VWF. Enfin le taux de VWF augmente aussi légèrement avec l’âge.

La maladie de Willebrand est-elle fréquente ?+

Dans sa forme modérée, la MWD est considérée comme la plus fréquente des maladies hémorragiques familiales. Sa prévalence est estimée entre 0,5 et 1,1 %. Toutefois, la prévalence des formes symptomatiques qui nécessitent un traitement spécifique serait plutôt de l’ordre de 1 sur 10 000 et à ce titre la MWD est à considérer comme une maladie rare. Le déficit complet en VWF (type 3 de MWD) est extrêmement rare (1 sur 1 000 000).

Quel est le mode de transmission de la MWD ?+

Il s’agit d’une maladie génétique dont la transmission est généralement autosomale dominante, c’est-à-dire qu’une anomalie d’un seul gène peut provoquer la maladie. Certaines formes plus rares (type 3, type 2N, certains types 2A) sont à transmission autosomale récessive signifiant que la personne malade a reçu 2 gènes mutés de chacun de ses 2 parents. Dans les deux cas la maladie peut atteindre aussi bien les hommes que les femmes.

Comment fait-on le diagnostic de MWD ?+

Le diagnostic de MVWD repose non seulement sur les résultats d’un ensemble de tests biologiques mais aussi sur l’existence d’antécédents hémorragiques personnels et/ou familiaux. Il doit être réalisé par un centre spécialisé disposant des différents tests et pouvant dispenser des conseils thérapeutiques adaptés au patient. Les formes modérées ne doivent pas être diagnostiquées par excès. Pour cela, il est indispensable que les résultats des tests biologiques  soient confrontés à la symptomatologie hémorragique. Pour faciliter le recueil de celle-ci des scores hémorragiques ont été élaborés. Récemment l’International Society on Thrombosis and Haemostasis (ISTH) a validé un questionnaire pour l’établissement de ce score.

Les taux normaux de VWF varient entre 50 et 150%. Le diagnostic de MWD peut commencer à être évoqué devant la constatation à plusieurs reprises d’un taux de VWF < 40 %. Un seul dosage est en effet insuffisant devant la large variation des taux de VWF chez un même individu en fonction du contexte (voir précédemment). Une caractérisation du déficit peut alors être entreprise. En général, les taux < 30 % sont associés  aux formes cliniques les plus sévères, confirmées par un score hémorragique élevé (> 3 chez l’homme, >5 chez la femme), par des antécédents familiaux évocateurs et par la présence de mutations dans le gène du VWF.

Une seule diminution du taux de VWF ne suffit pas à porter le diagnostic de Maladie de Willebrand. Celui-ci repose aussi sur la présence de signes hémorragiques avérés et sur des antécédents familiaux.

Comment se manifeste la MWD ?+

Dans sa forme la plus courante la MWD se traduit essentiellement par des hémorragies cutanéo muqueuses qui sont celles observées typiquement en cas de troubles de l’hémostase primaire :

  • saignements de nez ou épistaxis
  • saignements des gencives ou gingivorragies
  • bleus ou ecchymoses
  • saignements prolongés pour des blessures cutanées minimes
  • règles abondantes ou ménorragies
  • saignements digestifs
  • hémorragies du post partum

À l’inverse de l’hémophilie, les hématomes sous-cutanés profonds, les hémarthroses et les hémorragies intra-craniennes  sont exceptionnels, ne touchant que les personnes dont les taux de FVIII sont très bas (type 3 et certains types 2N).

Il existe aussi un risque hémorragique en cas de chirurgie, de geste invasif ou d’accouchement. Dans les formes les plus modérées,  la MWD peut ainsi ne se révéler qu’à l’occasion de complications hémorragiques suivant une première intervention chirurgicale si la symptomatologie hémorragique spontanée est restée jusqu’alors discrète. Chez ces patients les interventions réalisées à froid peuvent comporter plus de risques que certains actes réalisés en urgence lors d’un épisode infectieux (appendicectomie par exemple) du fait de l’élévation du VWF dans cette circonstance. De même une femme peut n’avoir eu aucun saignement particulier lors d’un accouchement (du fait de l’élévation physiologique du VWF au cours de la grossesse) et saigner lors d’une intervention ultérieure.

Les manifestations hémorragiques apparaissent d’autant plus tôt dans la vie que le déficit est profond. Elles sont néanmoins très variables dans leur intensité d’un sujet à l’autre, non seulement selon le type mais aussi chez des sujets d’une même famille (la MWD est ainsi dite à pénétrance variable). Le risque varie en outre selon les périodes de la vie, la tendance hémorragique s’atténuant avec l’âge dans les formes les plus modérées (type 1) mais semblant augmenter chez les sujets de type 2 du fait de la recrudescence des hémorragies digestives.

Le diagnostic de MWD est évoqué habituellement en cas de saignements spontanés de la peau et des muqueuses. Toutefois le diagnostic peut être méconnu jusqu’au premier acte invasif ou traumatique.

Quels sont les types de Maladie de Willebrand ?+

La classification de la MWD est basée sur les anomalies quantitatives ou qualitatives observées.

Il existe 2 types de déficits quantitatifs en VWF:

  • type 1 : déficit partiel (transmission dominante : sujet hétérozygote), c’est la forme la plus fréquente ;
  • type 3 : déficit complet (forme récessive : sujet homozygote ou hétérozygote composite), c’est une forme exceptionnelle (0.5 à 5.3 par million).

Et 4 types de déficits qualitatifs (type 2) :

  • type 2A : lié à un déficit des multimères de haut poids moléculaire (résultant d’une anomalie du processus de multimérisation et/ou d’un hyper protéolyse) qui entraine une diminution de l’interaction du VWF avec les plaquettes
  • type 2B : lié à une augmentation de l’affinité du VWF pour la GP Ib-IX plaquettaire qui peut se traduire de façon inconstante par une baisse de la numération plaquettaire (thrombopénie) ;
  • type 2M : lié à une diminution de l’affinité du VWF pour la GP Ib-IX en l’absence d’anomalie de la multimérisation (les multimères de haut poids moléculaire sont présents ou peu diminués) ;
  • type 2N : lié à une diminution de l’affinité du VWF pour le FVIII qui a de ce fait une durée de vie courte ; le taux de VWF peut être normal ou légèrement diminué.

On considère classiquement que la MWD de type 1 est la plus fréquente (70%). Dans l’expérience française, la MWD de type 1 limitée aux formes les plus significatives (VWF :Ag <30%) ne représente  qu’environ un tiers des cas. Elle peut en effet être aisément confondue avec certaines formes de type 2 (type 2M, certaines type 2A) expliquant probablement la sur-représentation des types 1 de MWD dans la littérature. La fréquence respective des types 1 et 2 (et des différents variants) dépend beaucoup des moyens d’investigation et des valeurs seuils définies. Elle n’est pas encore parfaitement établie.

Par quels tests sanguins fait-on le diagnostic ?+

Le diagnostic biologique repose sur un certain nombre de tests de routine et de tests spécialisés.

Les tests de coagulation de routine sont perturbés de façon inconstante :

  • le temps de céphaline activé (TCA) est souvent normal et ne s’allonge qu’en cas de déficit associé en FVIII ;
  • le TP ou temps de Quick (TQ) est normal ;
  • la numération plaquettaire est normale (sauf dans le variant de type 2B qui peut entrainer une thrombopénie) ;
  • le taux du FVIII:C est souvent normal ou peu abaissé  il peut néanmoins être très diminué dans certaines formes sévères de MWD (type 3, certains type 2N, certains type 2)
  • le temps de saignement n’est plus pratiqué mais on peut mesurer le temps d’occlusion du sang passant au travers de filtres collagène-ADP ou collagène-épinéphrine (PFA-100®) qui est souvent allongé

Les dosages spécifiques du VWF :

  • le VWF:Ag ou dosage antigénique

Il est diminué et corrélé à l’activité fonctionnelle dans le type 1, effondré dans le type 3 et normal ou peu diminué dans la plupart des types 2.

  • le VWF:RCo ou activité cofacteur de la ristocétine mesure l’activité fonctionnelle de liaison aux plaquettes du VWF (il existe aussi plusieurs variantes de ce test susceptibles de mesurer l’interaction aux plaquettes).

Il est diminué et corrélé au VWF:Ag dans le type 1, non mesurable dans le type 3 et diminué de façon plus importante que le VWF:Ag dans les types 2.

La réalisation de ces tests permet ainsi d’orienter vers le type de MWD :

  • un rapport VWF:RCo/VWF:Ag > 0.6 oriente vers un déficit quantitatif de type 1
  • un rapport VWF:RCo/VWF:Ag < 0.6 oriente vers une anomalie qualitative de types 2
  • un rapport FVIII :C/VWF :Ag <0.6 est en faveur d’un type 2N mais peut correspondre aussi à une hémophilie A mineure (principal diagnostic différentiel à lever par la mesure du VWF :FVIIIB)

Des tests complémentaires  pratiqués par quelques laboratoires spécialisés permettent de mieux identifier le type de MWD :

  • La RIPA ou agrégation plaquettaire à concentrations décroissantes de ristocétine : l’agrégation plaquettaire est habituellement observée jusqu’à une concentration de ristocétine de 0.8 à 1 mg/ml ; une agrégation persistante à de faibles concentrations de ristocétine (<0.7 mg/ml) voire en l’absence de ristocétine (agrégation spontanée) est évocatrice d’un variant 2B
  • Le VWF:CB ou mesure de la liaison du VWF au collagène est plus sensible que le VWF:RCo (ou équivalents) à la diminution des multimères de HPM ; cette activité peut être aussi diminuée dans certains variants de type 2M.
  • Le VWF :FVIIIB ou mesure de la capacité de liaison du VWF au FVIII: elle est très diminuée (ou nulle) dans le type 2N (alors qu’elle est normale ou peu diminuée en cas d’hémophilie A mineure).
  • L’étude de la répartition des multimères du facteur VWF par électrophorèse en gel d’agarose: permet d’analyser le profil multimérique du VWF : c’est le test de référence permettant d’objectiver et de quantifier la diminution de la proportion des multimères de HPM dans les types 2A et 2B ;
  • Le dosage du propeptide du VWF (VWFpp) dont le taux est comparable au taux de VWF :Ag. Un rapport VWF :pp/VWF :Ag augmenté (>2.5-3) indique une accélération de la clearance du VWF qui peut être observée dans certains types 1 sévères ou en cas de déficit acquis en VWF

Etude en biologie moléculaire+

L’analyse moléculaire du gène du VWF ne se fait que dans quelques laboratoires spécialisés en France soit par séquençage classique (Sanger) soit de plus en plus par séquençage haut débit (Next-Generation Sequencing ou NGS). Ses résultats doivent toujours être confrontés à ceux du phénotype détaillé pour permettre une interprétation correcte des variations moléculaires identifiées qui ne sont pas toutes pathogènes (polymorphismes). La détection des anomalies génétiques est rendue difficile par la grande taille du gène (52 exons) et la présence d’un pseudogène sur le chromosome 22.

  • Dans le type 3, de transmission autosomique récessive, et le type 1, de transmission autosomale dominante, l’étude génotypique recherchera des mutations réparties sur l’ensemble du gène. Certaines anomalies comme les grandes délétions sont spécifiques du type 3 et peuvent être associées à un risque d’accru d’inhibiteur anti VWF.
  • Dans les types 2, principalement de transmission autosomique dominante, l’analyse de l’exon 28 codant pour les domaines A1 et A2 de la protéine permet d’identifier en grand nombre des mutations décrites dans les types 2A, 2B et 2M. De même, la mutation R854Q, majoritairement mise en évidence dans le type 2N, peut être recherchée dans l’exon 20.

Pour les types 1 modérés (VWF :Ag >30%) la présence d’une mutation du gène du VWF n’est mise en évidence que dans environ 1/3 des cas soulignant le rôle d’autres systèmes de régulation génétique (groupe ABO, etc…) ce qui limite l’intérêt de l’étude génotypique dans ces cas.

Tableau résumant le diagnostic biologique des différents types de MWD

Type VWF:RCo (ou équivalents)

VWF:Ag

VIII :C VWF:CB RIPA aux faibles concentrations de ristocétine NP Multimères
1 ± ↓ ± ↓ ± ↓ ± ↓ neg N Normal
2A ↓↓ N ou peu ↓ N ou ↓ ↓↓ neg N Absence HPM
2B N ou peu ↓ N ou ↓ pos N ou ↓ Diminution HPM
2M N ou peu ↓ N ou ↓ N neg N Normal
2N N ou ↓ N ou ↓ ↓↓ N ou ↓ neg N Normal
3 <5% <1% < 5 % <1% 0 N Pas de bande

N : normal ; HPM : forme de haut poids moléculaire. NP : numération plaquettaire

Le bilan de coagulation de routine (TP, TCA) peut être normal en cas de Maladie de Willebrand. Si le diagnostic de Maladie de Willebrand est suspecté il faut doser spécifiquement au minimum le FVIII :C, le VWF :Ag, le VWF :RCo (ou équivalents) ce qui permettra de connaître les rapports VWF :RCo sur VWF :Ag et FVIII :C sur VWF :Ag et d’orienter le diagnostic vers un type 1 ou 2. La connaissance précise du type, utile à la prise en charge thérapeutique, requiert des analyses plus approfondies. L’étude du gène du VWF en biologie moléculaire peut en apporter la confirmation en cas de doute.

Quels traitements pour quelle forme de MWD ?+

L’objectif des traitements est de corriger transitoirement le déficit quantitatif ou fonctionnel du VWF. Il existe deux options thérapeutiques :

  • la desmopressine ou DDAVP (1-déamino-8-D-arginine vasopressine) basée sur la libération des stocks de VWF endogène
  • les concentrés de VWF apportant du VWF par voie exogène

1) La desmopressine

Quel mécanisme d’action ?

Ce médicament a la particularité de libérer brutalement dans le plasma le VWF stockés dans les cellules endothéliales et le FVIII dans certaines cellules du foie (cellules sinusoïdes hépatiques). La desmopressine est un analogue synthétique de la vasopressine, pratiquement dénuée d’effet vasoconstricteur, mais qui entraîne une augmentation rapide et importante des taux du FVIII, du VWF et d’une protéine impliquée dans la fibrinolyse: l’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA).

Quel mode et quel rythme d’administration?

  • La desmopressine peut être administrée soit par voie intraveineuse (Minirin®), soit par voie intranasale (Octim® Spray )
  • Après une injection de Minirin® (de 0,3 µg/kg en intraveineux) ou 1 pulvérisation d’Octim Spray® (150 µg)  dans chacune des 2 narines  (300 µg au total) si le poids est supérieur à 50 kg (1 seule pulvérisation si le poids est inférieur à 50 kg), on observe une augmentation de FVIII et VWF de 3 à 4 fois (extrêmes de 1,5 à 20)  le taux de base. Cette augmentation s’observe entre 30 à 60 minutes après la fin de l’injection par voie intraveineuse (qui dure de 20-30 minutes) et de 60 à 90 minutes par voie intranasale. La demi-vie plasmatique est de 5 à 8 heures pour le FVIII et de 8 à 12 heures pour le VWF.
  • Cette augmentation est donc transitoire et variable d’un individu à l’autre (d’où l’utilité d’un test thérapeutique préalable à la première utilisation).
  • La répétition des injections est possible toutes les 12 heures selon les résultats biologiques. Mais lorsque la desmopressine est utilisée durant plusieurs jours consécutifs, on observe une diminution progressive de la réponse: phénomène de tachyphylaxie, par épuisement des stocks libérés. Il est ainsi préférable de ne pas dépasser 4-5 injections.
  • L’efficacité de ce traitement est évaluée par la réalisation d’un test à la desmopressine, qui consiste en la mesure des taux de VWF et FVIII à différents temps (au minimum 0.5H, 1H, 2H et 4H) après la fin de l’injection de façon à mesurer à la fois les concentrations atteintes au pic et la rapidité de la décroissance. La réponse est bonne si les taux de VWF (VWF :RCo en général) sont >50% 2 heures après la fin de l’injection, partielle si le taux est <50% mais avec un facteur de multiplication d’au moins 3, insuffisante si le taux est <50% avec un facteur multiplicateur <3. Ce test doit être réalisé au minimum 5 jours avant une utilisation thérapeutique (durée de reconstitution des stocks intracellulaires). En pratique il est préférable de le réaliser immédiatement après le diagnostic.

Chez quels patients la desmopressine est-elle utile ?

L’efficacité de la desmopressine dans la MWD n’est possible qu’en cas de déficit modéré, les stocks intracellulaires devant être suffisants et le VWF libéré fonctionnel.

  • Chez les patients présentant un type 1, la desmopressine est le traitement de choix. Dans les formes les plus sévères (VWF :Ag < 20%), ce traitement peut toutefois ne pas être suffisant pour corriger le VWF et FVIII en cas de risque hémorragique important et prolongé.
  • Chez les patients présentant un type 2A, 2M, 2N, la réponse peut n’être que partielle car même si la molécule de VWF est libérée de ses stocks endothéliaux, elle garde son anomalie de fonction. Néanmoins la réponse obtenue peut parfois être suffisante pour traiter des accidents hémorragiques mineurs, ou prévenir les saignements en cas de chirurgies ou de gestes invasifs à faible risque hémorragique.

Chez quels patients le traitement par la desmopressine est inutile voire contre indiqué ?

  • Chez les patients chez lesquels le test thérapeutique a montré une réponse insuffisante
  • Chez les patients de type 2B l’utilisation de la desmopressine risque d’entrainer une thrombopénie pouvant aggraver paradoxalement le risque hémorragique et son utilisation reste en principe contre indiquée (à quelques exceptions près selon la mutation causale)
  • Chez les patients atteints d’un type 3 la desmopressine n’a aucun intérêt puisqu’il n’y a pas de synthèse du VWF et donc pas de stock à libérer

Quelles précautions d’emploi ?

  • La desmopressine par voie IV (Minirin®) est à diluer dans 50 ml de soluté salé isotonique et à injecter par voie IV en 20 à 30 minutes environ chez le sujet allongé.
  • Pendant la période de traitement (Minirin® ou Octim Spray®) une restriction des apports liquidiens est recommandée, ne devant pas dépasser 700 ml/24 h (20 ml/kg/jour chez l’enfant). En cas d’administration prolongée, la balance hydro-électrolytique (natrémie) sera surveillée du fait de l’effet antidiurétique.
  • La desmopressine est à éviter chez l’enfant de moins de 2 ans du fait de la difficulté de restriction hydrique entrainant un risque accru d’hyponatrémie
  • La desmopressine est aussi à éviter en cas d’hypertension mal contrôlée et à utiliser avec prudence chez les sujets âgés ou en cas d’antécédent coronarien ; on propose de réduire la posologie à 0,2 µg/kg.
  • L’usage de la desmopressine durant la grossesse reste très discuté

Quels risques potentiels ?

  • Des événements indésirables modérés peuvent être observés, liés à l’effet vasconstricteur de type rougeur (flush) du visage, une tachycardie, une diminution légère et transitoire de la pression artérielle, des céphalées, des nausées.
  • En cas de surcharge liquidienne des accidents graves ont été observés du fait de l’hyponatrémie (convulsions en particulier).
  • Des cas d’insuffisance coronarienne aigue ont aussi été ponctuellement rapportés chez des sujets déjà prédisposés.

2) Concentrés de VWF

L’apport du VWF manquant ou non fonctionnel est nécessaire lorsque la desmopressine est inefficace ou contre-indiquée. Cet apport se fait par l’administration de médicaments contenant du VWF associé ou non à du FVIII. Pour l’instant ces médicaments sont exclusivement d’origine plasmatique. Le concentré de VWF recombinant n’a pas encore été introduit en France.

Quels médicaments ?

Différents produits sont disponibles en Europe. Selon leur mode de préparation, ils contiennent des quantités variables de VWF et FVIII. En France, deux concentrés plasmatiques sont disponibles :

  • Le WILFACTIN® (Biomédicaments-LFB) contient des molécules de VWF hautement purifié dérivé de plasma humain avec une très basse concentration de FVIII (rapport FVIII/VWF <0.1). De ce fait l’élévation du FVIII (endogène) est retardée et ne survient qu’environ 4-6 h (pic en 10-12h) après l’injection du VWF. Ce décalage doit être pris en compte lors du traitement des sujets dont le taux de FVIII est abaissé (<30-40%).
  • Le VONCENTO® (CSL-Behring) contient un complexe FVIII/VWF (ratio 1 molécule de FVIII pour 2 de VWF) dérivés de plasma humain. La correction du taux de FVIII est immédiate.

Quel mode et quel rythme  d’administration?

Les concentrés de VWF et FVIII s’administrent par voie intraveineuse directe, sans dépasser 4 mL/min, après reconstitution du produit avec le kit de reconstitution fourni par le fabricant. La dose et le rythme des injections seront fonction du type de la maladie de Willebrand, du risque hémorragique de chaque chirurgie et des résultats biologiques.

Les études de pharmacocinétique du VWF ont montré une demi-vie d’environ 12 heures et un taux de récupération du VWF:RCo d’environ 2UI/dL par U/kg. Les injections sont ainsi renouvelées toutes les 12, 24 ou 48 heures en cas de traitement curatif ou préventif.

Quelles posologies et schéma thérapeutique ?

  • En général, une dose de 50 (40-80) UI par kg est administrée 1 à 2 fois/jour selon la sévérité de l’accident hémorragique ou du type de chirurgie et la sévérité du déficit.
  • Le schéma thérapeutique dépendra du taux de FVIII de base du patient, du caractère urgent ou non de la chirurgie et du type de concentré utilisé
  • L’utilisation d’un concentré comme le WILFACTIN® ne contenant pratiquement pas de FVIII chez les patients ayant un taux de FVIII <30-40% requiert les précautions suivantes :
    • En cas de chirurgie urgente ou de saignement sévère une injection conjointe de FVIII à la 1ère injection de VWF sera nécessaire de façon à corriger immédiatement la concentration en FVIII. Pour les injections suivantes l’apport complémentaire de FVIII n’est plus nécessaire du fait de la stabilisation progressive du FVIII endogène.
    • Le FVIII à injecter immédiatement après la première injection de WILFACTIN® peut être n’importe lequel des concentrés de FVIII à durée de vie conventionnelle disponibles sur le marché français (plasmatiques ou recombinants). Il existe aussi un kit (WILSTART®) contenant dans la même boite un flacon de WILFACTIN® (VWF : 1000 U) et un flacon de FACTANE® (FVIII : 500 U).
    • En cas de chirurgie programmée, on peut choisir de débuter le traitement par WILFACTIN® la veille de l’injection (12h avant) pour permettre la stabilisation progressive du FVIII endogène et de refaire une deuxième injection environ une heure avant le début du geste invasif. On peut aussi faire une seule injection immédiatement avant l’intervention de WILFACTIN® en y associant un apport complémentaire de FVIII comme décrit précédemment.
  • En cas de traitement par VONCENTO®, la première injection sera réalisée juste avant l’intervention. Le rythme des injections suivantes sera fonction de la gravité de l’accident hémorragique et du type d’intervention chirurgicale.

Chez quels patients peut–on utiliser ces concentrés ?

  • Chez les patients répondant peu ou mal à la desmopressine ou chez lesquels la desmopressine est contre indiquée
  • Chez tous les patients type 3.                                                                                                                                                                                                       

Quels risques potentiels ?

La tolérance des produits plasmatique est bonne. Les cas d’allergie et d’anaphylaxie sont rares.

De rares cas d’accidents thrombotiques ont été décrits avec les concentrés de VWF contenant aussi du FVIII lors de leur utilisation intensive en particulier en chirurgie du fait de l’augmentation progressive des concentrations de FVIII cumulant le FVIII exogène et endogène. Dans de telles situations le taux de FVIII doit être régulièrement contrôlé pour ne pas dépasser 180-200%.

Même si ces concentrés sont hautement sécurisés, le risque de transmission d’agents infectieux (y compris ceux dont la nature est inconnue) ne peut pas être totalement exclu.

Le risque de développer un anticorps anti-facteur Willebrand est rare et ne concerne que les patients atteints de MWD de type 3 (en particulier ceux présentant des larges délétions du gène du VWF).

Le traitement a pour objectif de corriger les taux de VWF et FVIII en cas d’hémorragies ou à titre préventif en cas d’intervention chirurgicale comportant un risque hémorragique ou de geste invasif. Les conseils d’un spécialiste de la coagulation sont utiles pour adapter les thérapeutiques en fonction des différents types de cette maladie très hétérogène. Il s’aidera des résultats biologiques pour préciser le type de produit le mieux adapté et les posologies.

 

Quels autres traitements ?

À côté de ces deux types de traitement qui doivent corriger les taux de VWF et FVIII, d’autres traitements peuvent limiter l’hémorragie en agissant de façon indirecte.

  • L’acide tranexamique (EXACYL®) ou antifibrinolytique, traitement qui limite la destruction (lyse) du caillot.
    • Il peut être proposé seul ou associé aux autres traitements.
    • Il est souvent utilisé dans les saignements de nez, gencives ou règles abondantes.
      • Il peut être administré par voie orale : en comprimé pour une action systémique ou en ampoule buvable pour une action locale
      • Il peut être administré par voie intraveineuse pour une action systémique
    • Les traitements hormonaux de type œstroprogestatifs sont proposés pour le traitement des règles abondantes ; il ne faut pas hésiter à les mettre en place chez la jeune fille très rapidement après l’apparition des premières règles si celles-ci sont vraiment très abondantes et si le traitement par acide tranexamique ne suffit pas.
    • Il ne faut pas négliger les moyens locaux : méchage, compression et colles biologiques.
    • Ces moyens sont souvent suffisants sur des hémorragies bien localisées chez des patients atteints de MWD modérée.
    • Ils sont complémentaires aux autres traitements.

Etat des lieux de la recherche clinique+

Un concentré de VWF recombinant  d’abord développé par la firme Baxter puis Shire a été enregistré par la FDA aux USA en décembre 2015 sous le nom de VONVENDI®. Il va être proposé en France dans 2 études cliniques de phase 3:

  • Chez l’adulte atteint d’une forme sévère de MWD, actuellement en traitement à la demande, pour lequel on porte l’indication d’un traitement prophylactique.
  • Chez l’enfant atteint d’une forme sévère de MWD en traitement curatif des épisodes hémorragiques et/ou en traitement préventif lors d’une intervention chirurgicale.