Conclusions de l’étude Philomène

Conclusions de l’étude Philomène : « Élèves touchés par l’hémoPHILie et autres maladies hémorragiques familiales : cOmMENt rétablir l’Egalité des chances à l’école”

L’hémophilie et autres maladies hémorragiques familiales font l’objet de croyances stéréotypées selon lesquelles les élèves touchés par l’hémophilie seraient moins compétents que leurs pairs, particulièrement à l’école. Ces croyances pourraient impacter les comportements à l’égard de ces enfants et ainsi expliquer pourquoi les élèves touchés par l’hémophilie réussissent moins bien à l’école que leurs pairs et font des choix d’orientation moins ambitieux.

L’objectif de Philomène est de montrer la manière dont les représentations subjectives sur la maladie peuvent influencer le parcours scolaire des élèves, de comprendre les processus subjectifs à l’œuvre dans les difficultés rencontrées par les jeunes touchés par l’hémophilie au cours de leur scolarité.

Pendant la durée du projet, soit plus de 3 ans, l’AFH et la filière MHEMO ont collaboré avec les équipes de chercheurs en sciences humaines et sociales de différentes universités :

Pr Caroline DESOMBRE,  PSITEC – Psychologie : Interactions, Temps, Emotions, Cognition, ULR 4072 – Univ. Lille
Pr Odile ROHMER, Laboratoire de Psychologie des Cognitions, Faculté de Psychologie, Strasbourg
Thibaut KINNIG, Ingénieur d’étude, Faculté de Psychologie, Strasbourg
Pr Jerome DINET, INTERPSY, Nancy
Pr Pascal MARQUET, LISEC (Laboratoire Interdisciplinaire de Sciences de l’Éducation et de la communication), Strasbourg

 

CONTEXTE ET ORIGINALITÉ DE L’APPROCHE

Les maladies hémorragiques familiales désignent un ensemble de maladies rares caractérisées par des manifestations hémorragiques spontanées et/ou provoquées présentes tout au long de la vie des personnes qui en sont affectées.

Si les conséquences physiques des troubles de la coagulation tels que l’hémophilie sont aujourd’hui connues, les impacts psychologiques le sont moins malgré quelques études récentes qui montrent que le niveau d’anxiété des personnes vivant avec l’hémophilie, leur niveau de stress et leur risque de dépression sont très supérieurs à la moyenne et ce, dès la jeune adolescence. Les personnes atteintes d’hémophilie réussissent en général moins bien leur scolarité puis leur insertion sociale et professionnelle.

Un ensemble de travaux en psychologie sociale indique que la réussite scolaire est souvent davantage liée à ce que le jeune pense pouvoir faire, qu’à ses capacités objectives. Cette perception subjective de compétences est elle-même le reflet de ce que les parents et les enseignants pensent.

Ce projet répond à la demande des équipes médicales et de l’AFH et vise à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes touchés par l’hémophilie. Il a été le fruit de la réunion de deux projets sur cette thématique qui se sont construits en amont sans concertation et a mis en relation trois partenaires universitaires (Université de Lille, de Lorraine et de Strasbourg) aux compétences complémentaires en psychologie sociale, du développement, en sciences de l’information et de la communication, et en ergonomie cognitive.

 

OBJECTIFS

L’ambition de ce projet de recherche est de comprendre pourquoi les jeunes personnes atteintes d’hémophilie réussissent moins bien à l’école que leurs pairs et font des choix d’orientation moins ambitieux, alors même que les avancées médicales ont permis d’améliorer considérablement leur situation.

L’objectif premier est de démontrer que la réussite de l’élève touché par l’hémophilie et ses ambitions d’orientation sont construites à partir de ces différentes perceptions, elles-mêmes en relation avec les représentations véhiculées sur la maladie.

L’objectif final de ce projet est de proposer des actions concrètes pour rétablir l’égalité des chances des élèves touchés par l’hémophilie à travers un environnement numérique ludique conçu avec la participation des enfants, de leurs proches et d’enseignants volontaires, une brochure de sensibilisation des familles élaborée par l’AFH et des formations à destination des familles. Ces résultats seront également diffusés auprès des enseignants de l’Éducation Nationale.

 

MÉTHODE

Au total, quatre études ont été menées. Les deux premières études visaient à identifier la représentation sociale de l’hémophilie. Nous avons interrogé des élèves touchés par l’hémophilie, âgés de 6 à 19 ans et scolarisés dans un établissement scolaire ordinaire français (école, collège ou lycée) dans les régions Grand Est et les Hauts-de-France, des parents d’enfants hémophiles et des enseignants accueillant ou non des enfants hémophiles.  La troisième étude visait à faire le lien entre les perceptions des élèves et des parents sur la réussite scolaire. Enfin, la quatrième étude visait à mesurer l’effet des stéréotypes de l’hémophilie sur l’efficience cognitive.

Toutes les études ont été menées en ligne et ont respecté les règles éthiques et déontologiques notamment en matière de protection des données personnelles.

 

LES RÉSULTATS

ANALYSES DES DONNÉES

Plusieurs résultats se dégagent de ces différentes études notamment sur la manière dont les personnes porteuses de MHR (et plus particulièrement les élèves porteurs de MHR) sont perçues. Même si le lien entre  représentations et comportements n’est pas systématique,  la reconnaissance de l’élève comme un enfant malade peut être un frein à sa réussite scolaire et professionnelle.

En effet, les études 1, 2 et 3 montrent que l’enfant porteur d’hémophilie est perçu principalement à travers sa pathologie. Cette représentation particulière peut influencer sa réussite et ses choix d’orientation.

L’étude 4 nous apprend que les personnes porteuses de MHR ne semblent pas influencées par les stéréotypes lorsqu’ils effectuent une tâche cognitive.  Ce résultat peut être considéré comme une bonne nouvelle pour les patients même si la tâche proposée est peu habituelle dans la vie personnelle ou professionnelle.

RETOMBÉES CONCRÈTES DE L’ÉTUDE : INTÉRÊT SOCIAL, APPORT DE CONNAISSANCES ET TRANSFÉRABILITÉ

Ce programme de recherche a un potentiel effet direct sur les politiques publiques notamment à travers sa diffusion dans le Protocole National de Diagnostic et de Soins Hémophilie (PNDS) dans un chapitre intitulé « Insertion scolaire ». Dans ce référentiel de bonnes pratiques portant sur l’hémophilie, l’équipe du projet a défendu l’idée que les élèves hémophiles pouvaient être perçus et se percevoir comme étant exclus et moins compétents que des élèves non porteurs d’hémopilie. Ces points de vigilance explicités aux professionnels concernés par la prise en charge diagnostique et thérapeutique et le parcours de soins d’un patient atteint d’une maladie rare donnée devraient favoriser une prise de conscience de ces difficultés et un accompagnement mieux adapté.

Côté Éducation Nationale, plusieurs échanges avec le rectorat, des Inspecteurs de l’Education Nationale (IEN), des Inspecteur d’Académie – Inspecteur Pédagogique Régional (IA-IPR) et des médecins scolaires ont été organisés pour présenter le projet de recherche et par voie de conséquence, les spécificités de l’élève porteur de maladies hémorragiques rares. La question l’orientation a aussi été questionnée.

On peut donc inférer des conséquences positives pour les patient.e.s et leur scolarisation par une meilleure connaissance des acteurs de l’éducation et ainsi un meilleur accompagnement dans et hors la classe.

Ce programme de recherche a également eu des répercussions indirectes à travers la présentation des résultats à des chercheurs en sciences sociales qui a permis d’attirer leur attention sur la thématique de l’inclusion des élèves présentant un handicap ou une maladie chronique. Ces interactions devraient favoriser la collaboration entre médecins et chercheurs SHS au bénéfice des malades.

MISE EN ŒUVRE DE SES RÉSULTATS

Accompagner de manière optimale les enseignants dans la scolarisation d’élèves « différents ».

Cette volonté de former les personnels éducatifs se traduit par la mise en place actuellement d’ un programme de recherche novateur en partenariat avec plusieurs INSPE partenaires en France pour :

  • Améliorer le bien-être des élèves en classe et notamment celui des élèves à besoins éducatifs particuliers (BEP)
  • Améliorer le bien-être des enseignants dans le contexte de l’éducation inclusive.

Ce programme de recherche appelé MIME, qui a reçu un soutien de la CNSA et l’IREPS, vise à définir des contenus et des modalités de formation adaptés aux changements de paradigme nécessaire pour que les enseignants mettent en place l’éducation inclusive.

Les enseignements se construiront autour d’éléments clés issus de la littérature et de programmes de recherches que nous avons conduits (Philomène en particulier) : les modèles de handicap, la définition et la mise en oeuvre de l’oeuvre de l’inclusion dans le contexte français, les effets bénéfiques de l’inclusion sur les élèves avec ou sans handicap, sur les enseignants, les barrières idéologiques qui restent à lever pour une inclusion réussie, les besoins des élèves et les méthodes pédagogiques reconnues comme bénéfiques grâce aux travaux de recherche

VALORISATIONS ET COMMUNICATIONS

Publications

Desombre, C., Kinnig, T., & Rohmer, O. (2019). Inclusion scolaire et hémophilie. In Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) Hémophilie (pp. 101-103). Paris: Hautes Autorités de la Santé

Kinnig, T., Rohmer, O., Goudemand, J., Wibaut, B., & Desombre, C. (sous presse) Comment favoriser la réussite scolaire des élèves touchés par l’hémophilie: Etude de la représentation sociale de l’élève porteur d’hémophilie. In O. Rohmer, M. Jury, & M. Popa-Roch (Eds). Approche psychosociale de l’inclusion scolaire

Communications orales en congrès scientifique

Kinnig, T., Chauvin, B., Desombre, C., Brasselet, C., & Rohmer, O. (2018, Juillet). Comment les enseignants se représentent les élèves hémophiles ? Une clé d’entrée pour comprendre les difficultés à l’éducation inclusive. Communication orale présentée au 12ème Congrès International de Psychologie Sociale en Langue Française, Louvain-La-Neuve, Belgique.

Communications orales pour grand public

Participation au 45ème congrès national de l’Association Française des Hémophiles (Juin 2018). Nancy. Présentation du programme de recherche Philomène.

Participation à la journée de la filière MHEMO (Décembre 2018). Paris. Présentation du programme de recherche Philomène.

Communications affichées

Kinnig T., Rohmer O., & Desombre C. (2020, Février). Les enseignants et la représentation de l’élève porteur d’hémophilie : élève commun ou élève particulier ? Colloque scientifique régional de la Fondation Maladies Rares : La recherche dans les maladies rares. Strasbourg, France.