Ces 3 articles, sélectionnés par les coordonnateurs des 3 centres de références, ont été présentés et discutés lors du forum de discussion dématérialisé des cliniciens MHC- COVID 19 du 14 mai 2020.
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COVID 19 – Résumés d’articles scientifiques d’intérêt
(Dennis McGonagle et al, Lancet)
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2665991320301211?via%3Dihub
Cette mise au point récente effectuée par un groupe multinational fournit des hypothèses intéressantes concernant plusieurs mécanismes physiopathologiques lors de pneumopathie liée au coronavirus (SARS-CoV-2).
Les coronavirus montrent un tropisme particulier pour le domaine extracellulaire de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2, enzyme largement présente sur la membrane des pneumocytes de type II, ce qui permet au virus de pénétrer dans les cellules.
Il était évident que la tornade inflammatoire au niveau pulmonaire, proche de celle observée lors du syndrome d’activation macrophagique, pouvait avoir un lien avec l’incidence particulièrement élevée de thrombose pulmonaire, retrouvée lors des examens autopsiques, sans qu’il y ait parfois de thrombose veineuse profonde identifiée. Les auteurs ont qualifié cet ensemble physiopathologique de coagulopathie intravasculaire pulmonaire diffuse, liée à l’infection virale et à la réponse de l’hôte, provoquant des immunothromboses extensives. Cette activation particulière du système de coagulation est bien objectivée par l’élévation du niveau plasmatique des D dimères au-dessus du seuil contrôle chez environ 2/3 des patients COVID-19. Il ne s’agit pas dans la plupart des cas d’une activation intravasculaire disséminée de la coagulation, comme en témoigne souvent le chiffre peu abaissé des plaquettes et l’augmentation du fibrinogène (témoin du processus inflammatoire).
Il est par ailleurs hautement probable que l’agression locale des cellules endothéliales par les cytokines (IL-1, IL-6 et TNF notamment) participe aux phénomènes hémostatiques qui provoquent la vasculopathie dépendant du COVID-19. Cette interaction étroite entre les phénomènes inflammatoires au niveau du tissu pulmonaire et l’expression de facteur tissulaire au niveau des cellules endothéliales et de certaines cellules circulantes (monocytes) va amplifier les phénomènes de coagulation locaux, entraînant une hypoxie locale qui va elle-même contribuer à activer le processus de coagulation.
Ainsi, ces phénomènes intriqués localement au niveau du tissu pulmonaire entre les processus de l’inflammation et de la coagulation représentent une explication rationnelle pour expliquer le processus d’immunothrombose pulmonaire. Ces phénomènes locaux représentent également la base physiopathologique qui sous-tend l’utilisation de molécules inhibitrices de certaines cytokines ou de leurs récepteurs dans plusieurs essais thérapeutiques.
- Les données autopsiques confirmant une atteinte thrombotique pulmonaire
(Dominic Wichmann et al, Annals of Internal Medicine) https://doi.org/10.7326/M20-2003
(Sigurd F. Lax et al, Annals of Internal Medicine) https://doi.org/10.7326/M20-25
Ces deux publications basées sur des séries autopsiques récentes viennent renforcer l’hypothèse de l’immunothrombose intrapulmonaire comme mécanisme d’aggravation associé au COVID-19.
La première série autopsique est allemande. Pour chaque autopsie une analyse macroscopique était réalisée, associée à une analyse tomographique corps entier. Une étude histologique systématique et virologique des différents organes était également réalisée.
12 patients d’âge moyen 73 ans dont 5 sont décédés en réanimation, 5 en unité de maladies infectieuses et 2 après leur sortie d’hospitalisation ont été analysés. Trois patients recevaient des antithrombotiques (Enoxaparine, Rivaroxaban et Edoxaban)
Pour 4 patients la cause du décès était une embolie pulmonaire massive associée à une thrombose veineuse profonde (TVP) bilatérale des membres inférieurs. Une thrombose pulmonaire sans TVP associée était retrouvée chez 3 patients. Une thrombose des plexus veineux prostatiques a également été retrouvée chez 6/9 patients.
Les données histologiques ont confirmé la présence de microthrombi associés à des infiltrats lymphocytaires dans la microcirculation pulmonaire. Ces microthrombi n’étaient pas retrouvés dans d’autres organes. Enfin, le SARS-CoV-2 était mis en évidence dans le poumon chez tous les patients mais également en pharyngé chez 9/12 patients. Une virémie était présente chez 6 patients/12 et associée à la présence du virus dans le cœur, le foie et le rein.
Au total des évènements thrombotiques (thromboses et embolies) étaient présents chez 58% des patients, un tiers de ces évènements étaient directement responsables du décès du patient.
La seconde série est Autrichienne et rapporte l’étude systématique de 11 patients, 10 sélectionnés au hasard parmi les 48 patients décédés et 1 patient analysé sur demande du réanimateur. L’âge moyen des patients était de 80 ans, il y a avait 8 femmes et 3 hommes. Seulement 2 patients étaient en réanimation et les autres en unité de maladie infectieuse sous oxygénothérapie non invasive. Tous les patients recevaient un antithrombotique : 5 LMWH (Héparine de bas poids moléculaire) seule, 5 LWMH + antiplaquettaire et un patient sous antiplaquettaire seul. Un patient avait des antécédents de MTEV (maladie thromboembolique veineuse). L’analyse autopsique a révélé la présence de matériel thrombotique dans les branches d’artères pulmonaires de façon locale à extensive chez tous les patients. L’analyse histologique a montré la présence de multiples thrombi dans les petites et moyennes branches. Aucun patient ne présentait de TVP.
Ainsi ces données confirment la fréquence élevée de thromboses pulmonaires, chez des patients ventilés ou non, recevant ou non une thromboprophylaxie. Elles confirment le rôle délétère de ces thromboses sur l’évolution et pose la question de la thérapeutique à mettre en œuvre.
(Joshua Geleris et al , N Engl J Med 2020 May 7)
https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2012410?query=featured_coronavirus
Une étude new yorkaise menée par le « Presbyterian Hospital » (NYP)–Columbia University Irving Medical Center (Joshua Geleris, N Engl J Med 2020), a testé l’hypothèse selon laquelle la prise d’hydroxychloroquine serait associée à une diminution du critère de jugement composite, nombre d’intubations et de décès.
Cette étude monocentrique ouverte, observationnelle, sans randomisation a consisté à suivre 1446 patients sur une période moyenne de 22,5 jours entre mars et avril et à comparer la population traitée par hydroxychloroquine à celle non traitée sans appariement (811 traités vs 565 non traités) ou après un appariement limitée (811 traités versus 274 non traités).
Les patients dont les dossiers médicaux n’ont pas été revus à l’origine d’erreurs potentielles et de données manquantes ont reçu d’autres traitements concomitants comme l’azythromycine, le sarilumab (n=30) ou le remdesivir (n=27). 70 patients n’ont pas été inclus dans l’étude en raison de décès précoces dans les 24 premières heures ou d’un déplacement vers une autre structure hospitalière. Enfin 119 patients étaient encore hospitalisés à la fin de l’étude.
Plusieurs analyses statistiques et méthodes d’ajustement ont été utilisées et n’ont pas permis de montrer une association significative avec le critère composite primaire (intubation+ décès) (modèle ajusté : HR, 1.04; 95% CI, 0.82 to 1.32). Ceci n’exclut cependant l’existence d’autres bénéfices à l’administration d’hydroxychloroquine.
Les auteurs ne recommandent pas l’utilisation de la chloroquine en dehors d’essais contrôlés. Seule une étude randomisée bien conduite, permettra en dépassant les limites des études observationnelles, de nous éclairer sur les bienfaits potentiels de cette molécule.